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FAQ

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Que signifie exactement le mot "kasàlà" ?

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Kasàlà est un mot de la langue cilubà (RDC) et désigne un genre littéraire africain, qui consiste à faire l’éloge d’une personne ou d’une chose. Le kasàlà revêt généralement une forme poétique, qui recourt abondamment aux noms propres, souvent métaphoriques et hyperboliques, c’est-à-dire amplifiés. Kasàlà est le nom donné à cette poésie qui célèbre la vie à travers la personne, comme le mot « chaise » désigne simplement l’objet sur lequel on s’assoit et qui comporte quatre pieds. Certains voient un rapport entre « kasàlà » et le verbe « kusàla », qui signifie « faire une entaille ; tatouer, scarifier » ou avec les mots « disàlà, lusàlà et nsàlà », qui signifient « plume » et comportent le même thème nominal « -sàlà ». Ces affirmations mériteraient, me semble-t-il, une étude plus approfondie.

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Le kasàlà est-il un outil au service du développement personnel ?

 

Le kasàlà est un chemin, une expérience de la relation, une école de la vie. C’est, autrement dit, l’art d’être humain. Il n’a pas de visée thérapeutique, tout au plus pourrions-nous dire qu’il a des retombées préventives. Pratiquer le kasàlà, c’est comme pratiquer la méditation. La pratique assidue du kasàlà, ces vingt dernières années, m’a modelé et m’a donné une posture dans la vie telle que les événements, les expériences bénéfiques ou difficiles sont accueillis comme des occasions de grandir

 

Station d'épuration et de retraitement 

Des émotions des regards des pensées 

Sur les expériences sur les gens sur le monde

 

Il y a une différence étonnante entre ma vie avant et après la découverte du kasàlà. Le kasàlà a changé et amélioré ma vie globalement, sans être devenu une nouvelle recette pour se guérir de tel ou tel problème. Ce que je constate, c’est que, en pratiquant le kasàlà, j’accueille la vie sans crainte, la paix s’est installée en moi et avec ceux qui m’entourent, je suis devenu extrêmement sensible à la beauté du monde…

 

Le kasàlà de l’autre n’est-il pas une forme de flatterie ?

 

Le kasàlà de l’autre est une démarche à travers laquelle on reconnaît et célèbre le génie de l’autre, le meilleur de lui, qu’il ne perçoit peut-être pas lui-même. Ainsi, lorsque Pauline (une dame de 72 ans, que je rencontre pour la première fois) me dit : « Vous avez une voix très agréable » et que JM (ma compagne) renchérit : « Non seulement elle est agréable, mais elle est aussi différente selon les langues qu’il parle. Puis quand il lit un kasàlà, on le reconnaît à peine ! », elles me révèlent un aspect de moi-même dont je n’avais nullement conscience. Je suis content de me découvrir davantage et je me sens encouragé de persévérer dans ce qui fait ma spécificité, de développer cette qualité ou ce talent. Leur appréciation n’est pas motivée par un calcul intéressé, par le souci de gagner quoi que ce soit. C’est de la pure gratuité, générosité, bienveillance, motivée par le seul souci de l’autre. Leurs paroles, en m’honorant ou, plus exactement, en honorant l’esprit en moi, me donnent une meilleure image de moi-même m’outille pour mieux m’aimer et me rêver. Non, il ne saurait s’agir de flatterie !

 

Quand on sait la détresse de l’homme en Occident, où la spiritualité a été évacuée de la vie, laissant l’homme devant un gouffre effrayant, un sentiment d’absence totale de sens, qui favorise la dépression, avec la conséquence inévitable de celle-ci, à savoir le suicide, on mesure la nécessité de recréer le sens, l’estime de soi, l’enracinement dans un groupe. C’est ce que fait le kasàlà. 

 

Le bénéficiaire doit être capable de beaucoup de modestie, pour accueillir cette parole de bienveillance.

 

Le kasàlà descend au plus intime de l’être et va y chercher le meilleur de la personne : ses forces, ses potentiels, ses rêves, ce qui en fait une personne singulière, et le célèbre devant la communauté, qui lui en donne l’autorisation et se constitue comme témoin. 

« Vous savez, seul il est difficile de voir bien loin. A deux, on voit un peu plus. Mais si vous avez autour de vous tout un groupe de personnes qui vous aiment vraiment et vous disent : , cela vous aide à réaliser votre but. Même les gens les plus têtus dépassent leur obstination pour œuvrer à la réalisation de leur but de vie. » (Somé, 2001 : 35).

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Quelle différence y a-t-il entre kasàlà et autolouange ?

 

Cette question revient à dire : Quelle différence y a-t-il entre le kasàlà de l’autre et le kasàlà de soi, qu’on appelle, en terme technique, autopanégyrique ?

Lorsque j’ai commencé à animer des ateliers d’écriture en 1995, j’ai choisi comme thème l’estime de soi et je me suis appuyé sur ma thèse de doctorat qui portait sur l’autopanégyrique dans les traditions orales africaines. Dans cette démarche, l’autopanégyrique ou, en langage courant, éloge de soi, s’est avéré d’emblée pouvoir être au service de l’estime de soi. J’ai ainsi proposé auto-éloge ou autolouange. Or, comme je l’ai souligné dans mon livre : « Eloge de soi, éloge de l’autre » (Peter Lang 2001), l’autopanégyrique n’est qu’un volet du panégyrique, genre plus vaste, pratiqué dans toutes les traditions orales africaines et connu sous une diversité de noms selon les langues. Kasàlà(en cilubà - RDC) est un de ces noms, les autres étant, par exemple : izibongo(en zulu, xhosa et… - Afrique du sud), amazina(en kinyarwanda et kirundi – respectivement Rwanda et Burundi), oriki(en yoruba - Nigéria). L’autolouange correspond à ce qu’on appelle en anglais selfpraise. J’ai pris l’habitude d’utiliser le terme kasàlà, étant donné que si mes recherches ont porté sur une trentaine de langues, c’est principalement en cilubà que j’ai récolté le plus de données. Il faut souligner que si, à l’origine, le kasàlà est simplement un genre littéraire comme d’autres, la réflexion que j’y ai consacrée ces vingt dernières années, en essayant de l’appliquer à ma vie, m’a amené à des découvertes insoupçonnées, que je développe dans mon livre intitulé : « Le kasàlà, une école de l’émerveillement » (Jouvence 2015) et dans celui-ci. 

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Je ne connais pas Corinne Gaudio. Par contre, je connais bien Marie Milis, qui a été ma première élève pour le kasàlà. En effet, quand, en 1995, j’ai commencé à animer des ateliers de kasàlà - que j’appelais à l’époque “autolouange” ou "auto-éloge" -, c’était dans son association, appelée “Initiation”. Nous avons travaillé ensemble pendant plusieurs années. J’ai cessé assez rapidement d’utiliser les termes “autolouange” et “auto-éloge", que j’avais imaginés comme équivalents français pour le terme technique “autopanégyrique”. Ce concept était l’objet de ma thèse de doctorat en linguistique africaine, intitulée “La formule et l’autopanégyrique dans les traditions orales africaines. Etude structurelle”. Il m’est apparu que cet “équivalent” ne rendait pas adéquatement le concept concerné, inexistant en dehors de l’Afrique. Par conséquent, il valait mieux utiliser un terme africain. Par commodité, j’ai privilégié et généralisé “kasàlà”, un terme parmi d’autres (les autres étant, par exemple, amazina, izibongo, oriki, thandumuna, kirari, etc., selon les langues et les pays), pour désigner ma pratique. Ce que mes anciens élèves et les élèves de Marie Milis appellent “autolouange”, c’est donc plus exactement le kasàlà de soi.  

 

 S’il est correct d’affirmer que l’”autolouange” est issue du kasàlà, les données disponibles montrent que cette tradition orale est typiquement africaine, même si on trouve ici et là, en dehors de l’Afrique, quelques poèmes à la première personne du singulier. C’est à cela que servent les doctorats ! Il n’est donc pas correct de définir l’”autolouange” simplement comme une “pratique universelle issue du Kasala africain”. Je crois que tu vois toi-même la contradiction qui caractérise cette assertion. 

 

Je m’attarde  sur tout cela, car il est souvent demandé aux animatrices/teurs la différence entre “kasàlà” et “autolouange” et peu sont capables de répondre correctement. Je demeure à ta disposition pour plus de précisions sur cette question.

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Pourquoi n'enseignez-vous pas tout simplement le kasàlà oral traditionnel, comme le pratiquent les Balubà ?

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Tout d'abord, le contexte où vivaient nos ancêtres et celui dans lequel nous vivons aujourd'hui ne sont pas les mêmes, loin s'en faut. Il y a déjà le fait qu'ils vivaient, eux, dans un environnement villageois, qui n'est pas le nôtre. Nos modes de vie, nos réalités et nos défis respectifs sont totalement différents. Ce que je propose, c'est tout autre chose qu'une reproduction pure et simple de ce qu'ont fait nos ancêtres, de ce qui existe déjà. Dans le respect du dynamisme propre aux littératures orales elles-mêmes, je m'appuie sur l'héritage reçu pour recréer, renouveler le genre, sans pour autant détruire ce qui existe et qui demeure précieux. Il y a peu d'intérêt à faire du kasàlà d'hier. Nous avons besoin de faire du kasàlà d'aujourd'hui, adapté à notre monde. Cela dit, ceux qui veulent faire du kasàlà d'hier, libre à eux ! Le fait d'utiliser une terminologie existante telle que "kasàlà" peut sans doute porter à confusion, et faire croire qu'il s'agit du chant clanique ou héroïque des Balubà de la RDC. En réalité, ce que j'appelle "kasàlà", de manière générique, est un genre issu de tout ce que j'ai pu apprendre de la poésie panégyrique en Afrique subsaharienne. C'est un genre ouvert, qui s'enrichit volontiers d'apports de toute provenance. C'est, pour le moins, un produit culturellement métissé, comme moi-même. Je l'ai appelé "kasàlà" (mot lubà), comme j'aurais pu l'appeler "vivugo" (mot swahili), "amazina" (mot du kinyarwanda), etc. tous termes qui présentent l'intérêt de rappeler l'origine subsaharienne du genre.

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